Ecrit par Abdoussalam Dicko
Dans un monde où l’Intelligence Artificielle révolutionne tous les secteurs, la création audiovisuelle ne fait pas exception. En Afrique, ce bouleversement est porteur d’énormes promesses mais soulève aussi des défis spécifiques liés à la représentation culturelle et à la souveraineté numérique.
En 2024, le marché mondial de l’intelligence artificielle a été estimé à 233 milliards de dollars, avec une projection à 1 772 milliards d’ici 2032. Cette croissance explosive redéfinit l’audiovisuel : scripts, montage, VFX bénéficient désormais d’un soutien IA grâce à des plateformes comme Adobe Firefly ou Runway . Pourtant, l’Afrique reste sous-représentée : moins de 1 % du contenu web est en langues africaines, contre plus de 50 % en anglais. Dans ce contexte, l’artiste 3D et réalisateur malien Gaoussou Tangara, dit Bassekou, souligne l’importance de « former les créateurs à l’IA » tout en compensant « la faible représentation de nos références culturelles ».
Une révolution créative assistée, pas remplacée
Selon le réalisateur malien, l’intelligence artificielle ne remplace pas le créateur, elle l’assiste. Il voit l’IA comme un levier puissant dans la production audiovisuelle, notamment dès l’étape de l’écriture. Elle permet de générer des idées, structurer un récit, ou encore accélérer le montage grâce à des outils intégrés aux logiciels professionnels. « L’IA peut assister, mais elle ne peut pas remplacer cette humanité », insiste-t-il. Pour lui, si la technologie peut multiplier la productivité par dix ou vingt, elle ne saurait reproduire la sensibilité, la culture ou l’intention propre à l’artiste".
Face aux craintes que suscite l’IA dans les métiers créatifs, Tangara se veut rassurant et encourageant. Il appelle les professionnels du secteur à s’adapter et à intégrer ces outils dans leurs pratiques. Ceux qui sauront conjuguer expertise artistique et technologie auront, selon lui, une longueur d’avance. Car au-delà des algorithmes, c’est bien la main humaine : sensible, culturelle, enracinée qui donne à toute œuvre sa véritable âme.
Souveraineté numérique et défis culturels de l’IA en Afrique
Si l’intelligence artificielle offre de grandes opportunités créatives, elle révèle aussi en Afrique des défis culturels majeurs. Le principal obstacle vient de la rareté, la qualité limitée et le déséquilibre des données utilisées pour entraîner les modèles. La plupart des IA grand public, basées sur des corpus occidentaux ou asiatiques, peinent à représenter fidèlement la diversité des cultures africaines. Cela entraîne des images inexactes, des confusions entre pays, des stéréotypes, et une vision souvent réductrice du continent.
Des initiatives comme Masakhane NLP, collectif dédié aux langues africaines, et Data Science Africa, qui développe l’expertise locale en IA, contribuent à cette dynamique. En créant des corpus adaptés et des modèles plus inclusifs, elles favorisent une souveraineté numérique africaine, indispensable pour que le continent devienne acteur et non simple consommateur des technologies d’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle est un levier puissant pour révolutionner la création audiovisuelle en Afrique, offrant à la fois gains de productivité, innovation et égalité d’accès. Mais pour que ce potentiel se réalise pleinement, il faut surmonter les défis liés aux biais culturels, au manque de données locales et à la souveraineté numérique.