Nigéria: La désinformation fait plus de victimes que le virus Ebola
L'épidémie de virus Ebola (Ebola virus epidemic)s’est développé ,dès le début de l’année 2014,dans les pays d'Afrique de l'Ouest; des cas ont été enregistrés au Liberia, en Sierra Leone et en Guinée.
Pour rappel, le virus Ebola a une très forte viralité d’où sa grande dangerosité. Sa transmission s’effectue par le contact avec des sécrétions corporelles (la salive, le sang, le sperme ).
Lors de l’épidémie d’Ebola de 2014, la panique s’est emparée de la population car il n’existe pas de remède ni de vaccin contre ce virus. Compte tenu de ce contexte en tension, la majorité des Nigérians, a essayé de se rassurer comme elle le pouvait puisqu’ aucun cas n'avait encore été signalé. Mais une information est tombée comme un coupêret : “un fonctionnaire libérien de 40 ans, Patrick Sawyer (Patrick Sawyer), s'est effondré dès son arrivée à l'aéroport principal” du Nigeria. Instantanément, les autorités sanitaires ont diagnostiqué qu'il était atteint du virus Ebola (Ebola Virus). La nouvelle a plongé tout le monde dans la peur et a occupé de manière continuelle la parole publique. Des mesures ont été prises par le gouvernement qui a déclaré l'état d'urgence national, préconisant aux citoyens de limiter les contacts entre eux.
La nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre et de nombreuses personnes ont paniqué par la crainte du virus Ebola. Au cours de la première semaine d'août 2014, des personnes ont commencé à communiquer autour d’un savant mélange censé être un remède efficace contre le virus Ebola.
Selon l'agence Anadolu (Anadolu Agency),Raliat Abegbe (une habitante de Mushin, situé dans le poumon économique de Lagos) témoigne : “J'en ai bu hier et j'ai pris un bain avec de l'eau salée”.
Toujours selon cette même source, Mme Abegbe, âgée de 80 ans, a déclaré avoir pris un bain d'eau salée après avoir entendu ses voisins en parler.L'octogénaire n’a pas été la seule dans ce cas là , car selon Solomon Aderibigbe (un maçon de 40 ans) : « Au moins quatre membres de ma famille m'ont appelé pour me demander de boire la solution iodée et de me baigner dans de l’eau saline»; tout en continuant son propos : « Ils m'ont dit que cela guérissait Ebola ».
Existe-t-il un remède contre le virus Ebola ?
Idakwo Michael Ameh Oboni, chef du royaume d'Igala (The ruler of the Igala Kingdom), dont le peuple est convaincu qu'il possède de très grands pouvoirs vaudous et ésotériques ,a dit à son clan d'utiliser une solution à base de sel et d'eau (Salt and water to cure the Ebola virus) pour guérir du virus Ebola. Cette solution miraculeuse, destinée au peuple Igala, s’est rapidement répandue et elle est devenue virale sur les médias sociaux et les médias traditionnels (stations de radio et télévision locales). Les utilisateurs de téléphones ont également amplifié cette fausse information, en appelant et en envoyant des messages à leur famille et amis pour leur demander d'utiliser cette solution magique aux pouvoirs divin.
Selon une toute autre version, le remède composé d'eau salée, aurait été lancé par une blogueuse nigériane nommée Adesuwa (Nigerian blogger, Adesuwa).
Cette dernière a déclaré qu'il s'agissait d'une mauvaise blague et qu'elle ne s'attendait pas à ce qu'elle soit diffusée à grande échelle. Elle a avoué avoir transmis le message sur différents supports comme Blackberry Messenger et WhatsApp, dans le but de faire une farce douteuse à ses amis.
L’ enregistrement du message (The broadcast message reads), se lit comme suit :
« URGENT! URGENT!!! EBOLA... PRÉCAUTION”.
“Salaam ; j'ai reçu un appel très urgent vers 4 heures du matin, me demandant de préparer de l'eau chaude mélangée à du sel. Vous pouvez la laisser se réchauffer dans un bain... ce qui conviendra bien à votre corps... puis prendre un bain dans cette solution salée”.
La lanceuse d’alerte a dit que c'était pour prévenir #?Ebola.... “S'il vous plaît, faites-le maintenant et partagez ! Amen ! »
Puis, peu de temps après avoir diffusé son message, elle repris la parole sur les réseaux sociaux pour s'excuser auprès de son auditoire que car il ne fallait aucunement suivre ses recommandations. Continuant son récit, la blogueuse ajoute : “Même ma mère, m'a appelé ce matin... Je ne savais pas quoi lui dire ».
Malgré ses aveux accompagnés d’excuses, beaucoup de personnes ont continué de croire au remède miracle et à sa solution iodée.
Pour mémoire, le pourcentage (au Nigéria) d’utilisateurs et d’abonnés sur les réseaux sociaux et très important. SelonBusiness Daily (According to Business Daily), 71 % des adultes au Nigeria possédaient un téléphone portable en 2011, et ces utilisateurs sont également abonnés sur des plateformes de médias sociaux populaires telles qu'Instagram, Blackberry Messenger (BBM), WhatsApp, 2go, Twitter et Facebook. S’ajoute à l’utilisation des réseaux sociaux, une audience importante liée aux médias traditionnels pour faire circuler ces informations dans tout le pays.
Quand la désinformation génère de la désinformation !
Les différentes informations (Different information), sur la solution saline, ont été communiquées aux habitants de l'État de Borno ; leur demandant d'utiliser ce beuvrage et d’ajouter de l'eau et du sel pour se baigner aux aurores et de réciter certaines parties du Coran. Les habitants de cet État ont donc défié l'ordre du gouvernement, de limiter les contacts, en quittant leur domicile avant l'aube à la recherche de sel par tous les moyens.
Dans un autre province du Nigéria, les habitants de l'État d'Enugu (situé dans la majeure partie de l'est du Nigeria), à prédominance chrétienne, se sont également partagé du sel et d'eau après qu'une source inconnue ait affirmé qu'un prêtre catholique connu sous le nom d’Ejike Mbaka (a popular Catholic priest, Ejike Mbaka) ait recommandé le remède à ses fidèles. Sachant que l’eau salée serait également l'un des principal composant utilisé dans la fabrication d'eau bénite (Holy Water). Cette même “eau bénite”, sert principalement dans la préparation de différents offices, comme le baptême, la bénédiction, la purification spirituelle de l'eau et de l'air.
L’importance qu’à le sel et l'eau dans l'Église catholique est sacrée car elle a favorisé son acceptation et diffusion parmis les croyants.
Enfin, et selon d'autres sources, des recommandations se sont tournées vers une solution de kola amer (bitter kola) ou de nano-argent comme autre remède contre le virus Ebola.
En moins de 24 heures, le prix du sel a grimpé en flèche, la nouvelle s'étant répandue dans tout le Nigeria et même dans la plupart des pays africains, poussant les citoyens désespérés à stocker cette denrée dans une recherche effrénée de protection contre le virus Ebola. Le ministre de la santé, Onyebuchi Chukwu, a appelé les Nigérians à ne pas tenir compte de la rumeur, qui a d'abord circulé par le biais de SMS, d'appels et de messages d’alerte sur les médias sociaux. « Il s'agit d'un mensonge complet, d'une erreur totale, d'une rumeur malfaisante ».
Le gouvernement nigérian a également publié une déclaration avertissant que le bain avec de l'eau salée n'est pas un remède contre le virus mortel Ebola. Le gouvernement a même lancé une campagne sur toutes les plateformes de médias sociaux contre l'utilisation du sel et de l'eau comme remède contre le virus Ebola. Tous les efforts déployés pour discréditer la rumeur ont été vains, car la prescription initiale est déjà largement adoptée. Certaines personnes l'ont utilisé plus de trois fois par jour, à des moments précis dans la journée.
La solution iodée : Un terreau favorable à l’hypertension
Des sources non vérifiées, ont informé le public, via les médias sociaux, d'un nombre exagéré de personnes tuées par ce virus. Cela a renforcé la peur de la population qui a eu recours à la solution d'eau salée.
Une recherche publiée dansle Pan African Medical Journal (Ebola epidemic) montre que le Nigeria a signalé son premier cas de maladie en juillet 2014 ; à la fin de l'épidémie, 20 personnes avaient été infectées et huit d'entre elles sont décédées.
Au coeur de la panique et de la désinformation, la population a négligé les effets secondaires par l'absorbtion d'une quantité excessive de sel. Le Nigeria est un pays où le taux de personnes souffrant d'hypertension diagnostiquée ou non diagnostiquée (plus connue sous le nom de tension artérielle élevée), est très répandue. Ces personnes faisaient partie de la population qui misait sur les remèdes à base de sel et d'eau comme si leur vie en dépendait, sans savoir qu'elles allaient augmenter des problèmes de santé.
Dans une étude intitulée : An Estimate of the Prevalence of Hypertension in Nigeria - A Systematic Review and meta-analysis published on the Journal of Hypertension l’article estime que “ 20,8 millions de Nigérian souffrent de cas d'hypertension au Nigeria”. Toujours selon cette étude : “D'ici 2030, une projection confirme une augmentation à 39,1 million de cas d'hypertension chez les personnes âgées d'au moins 20 ans”
Lejournal Vanguard (Reports from Vanguard newspaper show that) rapporte qu'« au moins deux personnes sont mortes et 20 autres ont été hospitalisées dans divers hôpitaux de l'État du Plateau après avoir consommé une quantité importante de sel et de kola amer pour prévenir du virus Ebola”. Cela faisant suite à “’un message viral sur les médias sociaux selon lequel ces produits pourraient prévenir de la propagation du virus Ebola ».
Nulle ne sait, si lespersonnes décédées ou hospitalisées savaient qu'elles souffraient d'hypertension avant de prendre une dose de sel.
« Le propriétaire de l'hôpital Ushakaa situé derrière la Commission de la fonction publique à Makurdi, le Dr Innocent Gbillah, a déclaré à notre correspondant que les deux patients décédés étaient atteintes d’hypertension car ils avaient pris trop d'eau salée. Gbillah a déclaré que les victimes, un homme et une femme, ont été admis dans son hôpital samedi dernier depuis leurs différents lieux de résidence, respectivement North Bank et BNARDA, à Makurdi, après avoir pris la solution et être devenus très malades. Il a déclaré que son équipe médicale avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider les victimes, mais en vain, l'une d'entre elles étant décédée mardi à 19 heures, tandis que l'autre a rendu l'âme mercredi à 5 heures du matin ».
Le constat est alarmant, car le plus grand nombre de personnes hospitalisé, l’a été suite à une surdose de sel (an overdose of Salt and hypertensive urgency)plutôt que par le virus Ebola. Cette épidémie, de fausses informations, a été très virale et son amplification,via les médias traditionnels et les médias sociaux ,a provoqué une panique généralisée causant plus de victimes que le virus Ebola.
Charity Ani KOSISOHUKWU