« le numérique est un levier essentiel pour rapprocher les citoyens de leurs institutions, mais aussi pour offrir de nouvelles opportunités aux femmes »

Au Mali, le secteur technologique connaît une transformation rapide. Et les femmes n’entendent plus rester à la marge.
 De plus en plus nombreuses à s’intéresser au codage, à la cybersécurité ou à la Civic Tech, elles profitent de la montée en puissance de programmes dédiés à l’inclusion numérique féminine.

Le gouvernement malien, appuyé par des partenaires, mise sur la formation et l’entrepreneuriat digital pour réduire les inégalités.
 Des initiatives comme Women Tech Mali permettent à de jeunes femmes d’apprendre à coder, créer des applications ou diriger des projets numériques.

Pour Cissé Hawa Coulibaly, directrice des opérations à l’organisation Tuwindi, « le numérique est un levier essentiel pour rapprocher les citoyens de leurs institutions, mais aussi pour offrir de nouvelles opportunités aux femmes ».

 

Des avancées, mais des inégalités tenaces

Si les efforts en faveur de l’inclusion numérique des femmes commencent à porter leurs fruits, la participation féminine dans la tech au Mali reste encore largement minoritaire.
 Selon l’UNESCO (2023), seules 37 % des filles terminent le secondaire, contre 45 % des garçons, limitant leur accès aux filières technologiques. À l’USTTB, elles représentent moins de 15 % des étudiants en informatique et en ingénierie.

À ces progrès encore timides s’opposent de nombreux freins, à la fois structurels, économiques et socioculturels.
 Le premier d’entre eux est l’accès au financement. En Afrique, les start-ups dirigées par des femmes n’ont reçu que 1,5% des fonds levés entre 2019 et 2023

Cela signifie concrètement que même lorsqu’elles ont des idées, des compétences et de la motivation, les femmes entrepreneures rencontrent bien plus de difficultés à obtenir les moyens de les concrétiser.

Autre obstacle majeur : la connectivité numérique. En 2023, seulement 30 % des Maliens avaient accès à Internet, avec de fortes disparités entre les villes et les campagnes. Ce manque d’infrastructure numérique pénalise d’autant plus les femmes rurales, qui cumulent plusieurs formes d’exclusion : sociale, économique, géographique et technologique.

S’ajoutent à cela des normes culturelles pesantes. Même lorsqu’elles accèdent à la formation, elles sont souvent découragées par l’entourage, ou confrontées à des environnements masculins peu inclusifs.

C’est donc tout un écosystème d’appui, de confiance et d’expérimentation qu’il faut construire pour permettre aux femmes de prendre leur place dans le numérique  pas seulement comme bénéficiaires, mais comme actrices à part entière.

  

Une révolution numérique à visage féminin

Malgré ces freins, de nombreuses femmes refusent de se limiter à un rôle secondaire.
 Elles créent, forment, innovent. Certaines, à l’image de Nathalie Sidibé, fondatrice de Women In Tech Mali, se battent pour rendre la tech plus inclusive.
 D’autres investissent des domaines inattendus : intelligence artificielle, data, Civic Tech ou éducation numérique. En l’occurrence Sogoba Jacqueline Konaté qui est la directrice du centre national de l’intelligence artificielle et de la robotique. De plus en plus, elles prouvent que la créativité féminine peut transformer les usages numériques en véritables opportunités économiques et sociales.

D’autres pays africains ont fait de l’inclusion numérique une priorité nationale.
 Le Kenya, le Ghana ou le Nigeria ont mis en place des politiques ambitieuses pour soutenir les filles dès le collège.
 Des groupes d’entraide féminins, souvent créés sur WhatsApp, permettent aux femmes d’échanger contacts, conseils et opportunités.

« Au Ghana, c’est même devenu une politique d’État. Les jeunes filles sont initiées très tôt aux métiers du numérique. Le Mali peut s’en inspirer », estime Cissé Hawa Coulibaly. Ces initiatives montrent que l’inclusion numérique n’est pas qu’une question de genre : c’est une stratégie de développement.

 

Car au-delà des chiffres, ce qui se joue aujourd’hui, c’est une révolution silencieuse, menée par des femmes décidées à changer leur destin et à participer activement à la construction du Mali numérique.

 

Article rédigé par Abdoussalam DICKO