Au Mali, comme ailleurs, informer relève du courage surtout pour les femmes. Entre censure, harcèlement et discriminations, elles luttent chaque jour pour exercer leur métier avec dignité et continuer à dire la vérité dans un espace de liberté qui se réduit. 

Être femme et journaliste, c’est souvent devoir prouver deux fois sa légitimité. Dans les rédactions comme sur le terrain, elles doivent composer avec des préjugés persistants : on les juge trop émotives pour les sujets politiques, trop fragiles pour les enquêtes sensibles. Pourtant, ce sont elles qui, souvent, donnent voix aux sans-voix, racontent les réalités que d’autres préfèrent taire et portent un regard différent sur la société. Leur présence dans les médias n’est pas qu’une question d’égalité : c’est une condition essentielle pour une information plus complète et plus juste.

Une liberté d’informer sous surveillance

Selon le rapport 2023 de la Media Foundation for West Africa (MFWA), plus de 60 % des femmes journalistes maliennes disent avoir été victimes d’abus ou connaissent une consœur qui l’a été.
La pression politique pèse lourd : enquêter sur la corruption, la gouvernance ou les droits des femmes expose souvent à des représailles. Certaines voient leurs sujets censurés, d’autres sont écartées de missions jugées “sensibles”. Une journaliste à Bamako confie : « Tu apprends à peser chaque mot, surtout quand tu es une femme et qu’on te reproche d’être trop critique. » Beaucoup finissent par s’autocensurer, partagées entre leur mission d’informer et le besoin de se protéger dans un environnement de plus en plus hostile à la liberté de la presse.

Quand le sexisme s’ajoute à la censure

Le même rapport révèle que 72 % des violences organisationnelles viennent des rédacteurs en chef. Dans certaines rédactions, les femmes sont cantonnées aux rubriques “douces” culture ou société tandis que les hommes monopolisent les sujets politiques ou économiques.
 À cette discrimination s’ajoute le harcèlement sexuel, fréquent et banalisé : promesses de promotion contre “faveurs”, chantage, remarques sur l’apparence. Une journaliste témoigne : « J’ai été harcelée plusieurs fois, au bureau comme sur le terrain. J’ai même pensé à quitter le métier. ».

 Sur le terrain, le sexisme devient public : remarques sur la tenue, refus d’accès à certains événements religieux, insultes ou menaces en ligne. Les réseaux sociaux déchaînent souvent un torrent de haine genrée insultes ou menaces visant à réduire ces femmes au silence.

Résister, se soutenir et inventer de nouveaux espaces

Malgré tout, les femmes journalistes ne renoncent pas. Des structures comme l’Association des Femmes de la Presse Malienne (AFPM) offrent des formations et du soutien. D’autres investissent le numérique pour créer leurs propres médias indépendants.
 Le rapport de la MFWA recommande d’ailleurs la mise en place de cellules genre dans les rédactions, de numéros verts pour signaler les violences et de formations à la sécurité physique et numérique.

Ces initiatives montrent que l’espoir réside dans la solidarité. En transformant leur douleur en résilience, ces femmes redéfinissent le journalisme : plus libre, plus juste et plus courageux.