Le 30 août 2023, le général Brice Clotaire Oligui Nguema a mis un terme au règne d’Ali Bongo Ondimba, en renversant son gouvernement. Ce coup d’État a provoqué une onde de choc à travers le pays, semant des graines d’espoir pour un renouveau tout en laissant planer des incertitudes sur l’avenir économique et diplomatique du Gabon.
Le contexte de cette rupture est celui d'une présidence d’Ali Bongo marquée par une longue concentration du pouvoir. Depuis des décennies, la famille Bongo dominait la scène politique, et l'élection présidentielle de 2023, marquée par une victoire contestée de Bongo, a été un point de rupture. L’opposition a dénoncé des fraudes électorales massives, mais le gouvernement a rejeté ces accusations, qualifiées de mensonges. Un couvre-feu a été instauré et l'accès à Internet a été coupé "jusqu’à nouvel ordre". Quelques instants après l’annonce des résultats, l’armée a pris le contrôle du pays, lançant un coup d’État. Ali Bongo a été placé en détention au palais présidentiel, et son fils Noureddin fait face à des accusations de haute trahison, tandis que son épouse Sylvia est accusée de blanchiment d’argent.
Les militaires justifient leur action par la nécessité de lutter contre la corruption et de clarifier le processus électoral, des enjeux qui avaient longtemps miné la confiance populaire. Les membres de la famille Bongo sont désormais incarcérés à la prison centrale de Libreville, et une partie de la population se réjouit de ce qui est vu comme la fin de la "dynastie Bongo".
La fin d’un régime et le début incertain d’une nouvelle réforme
Depuis l’indépendance du Gabon en 1960, le pays a été sous la férule de la famille Bongo. Omar Bongo a dirigé le pays de 1967 jusqu’à son décès en 2009, et son fils Ali a pris la relève. Ces années ont été marquées par des élections souvent entachées de suspicions de fraude et de manipulation. En 2016, après une élection très contestée, des manifestations ont été violemment réprimées. La Constitution a été modifiée à plusieurs reprises, notamment pour lever les limitations sur les mandats présidentiels, consolidant ainsi le pouvoir des Bongo.
Avec la chute du régime en 2023, un gouvernement de transition a été instauré sous la houlette du général Oligui Nguema. Les institutions ont été dissoutes et un processus de reconstruction de l'État a été lancé. Un projet de nouvelle Constitution a vu le jour en octobre 2024, visant à réformer le système institutionnel et à garantir un État de droit. Cependant, certains scepticismes demeurent : cette réforme risque-t-elle de renforcer encore davantage le pouvoir présidentiel sans donner de perspectives claires sur un retour à un gouvernement civil ?
À la recherche de nouvelles ressources économiques
Le Gabon, bien que riche en ressources naturelles comme le pétrole, traverse une période de stagnation économique. Entre 2022 et 2023, la croissance est passée de 3 % à 2,4 %, freinée par la faiblesse de la demande mondiale, la hausse des coûts énergétiques et des aléas climatiques qui perturbent les infrastructures, notamment ferroviaires, essentielles pour l’exportation de bois et de manganèse.
L’économie du Gabon reste excessivement dépendante du pétrole, qui représente 38,4 % du PIB nominal et 65,8 % des exportations du pays. En 2023, des initiatives ont été lancées pour diversifier l’économie, notamment avec l’exploitation du kévazingo pour relancer le secteur forestier. Toutefois, des défis majeurs demeurent, tels que des infrastructures de transport inadaptées et un environnement de gestion des ressources à améliorer pour attirer les investisseurs étrangers.
En janvier 2025, la Banque mondiale suspend ses transactions vers le Gabon, en raison de l’accumulation d’une dette publique de 17 milliards de francs CFA, soit environ 27 millions de dollars. Le pays cherche alors de nouvelles solutions, notamment en introduisant des technologies avancées dans les secteurs industriels et de services. Toutefois, l’économie gabonaise reste vulnérable sans une sérieuse refonte des structures existantes.
Une liberté de la presse contrastée
La liberté de la presse au Gabon a connu des hauts et des bas depuis le coup d’État du 30 août 2023. Le pays a progressé de 38 places dans le classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières (RSF), atteignant la 56e position en mai 2024. Une amélioration en partie attribuée aux déclarations rassurantes du nouveau régime militaire, qui a promis de restaurer l’État de droit et de renforcer les libertés fondamentales.
Cependant, des tensions persistent. En octobre 2023, l’équipe de Gabon Media Time (GMT), un média en ligne indépendant, a été placée en garde à vue après l’arrestation de plusieurs journalistes. Bien que ces derniers aient été libérés après l’intervention du président, cet incident a mis en lumière les difficultés persistantes des médias gabonais à fonctionner en toute liberté. Par ailleurs, la Haute autorité de la communication (HAC) a ordonné la régularisation de près de 140 médias en ligne jugés illégaux. Bien que cette démarche vise à assainir le paysage médiatique, certains craignent qu’elle serve de prétexte pour renforcer le contrôle gouvernemental sur l’information.
Malgré les progrès, RSF reste prudent et appelle à des actions concrètes pour garantir une presse réellement libre et indépendante, gage de démocratie et de transparence. Le climat reste fragile, et la transition à ce niveau sera tout aussi délicate.
Des mesures concrètes sont attendues
Le gouvernement de transition, dirigé par le général Oligui Nguema, s'efforce de stabiliser le pays, en particulier en renforçant la présence militaire dans les zones sensibles. Si la situation politique, sociale et économique semble moins agitée, elle demeure instable, avec le risque que des manifestations politiques éclatent à tout moment.
En octobre 2024, une mission du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a été envoyée à Libreville pour évaluer la transition. Le rapport de cette mission a souligné l'absence de visibilité sur le calendrier électoral et a exprimé des préoccupations concernant les restrictions des libertés politiques et la liberté de la presse. Il a également appelé à un dialogue inclusif avec la société civile et l’opposition pour garantir la légitimité du processus.
En décembre 2024, le couvre-feu instauré après le coup d'État est levé, signe d'une amélioration de la situation sécuritaire. Toutefois, la lutte contre la criminalité et la sécurisation des frontières restent des priorités. Si la fin de la famille Bongo est perçue comme une victoire pour certains, tout dépendra de la capacité du nouveau gouvernement à tenir ses promesses et à s’engager dans des réformes réelles et durables. Il faudra plus qu’un simple changement de tête pour offrir un avenir prospère au Gabon.