Par Christian Essimi
L’information comme outil démocratique face à l’ombre numérique. Une jeunesse connectée, une démocratie vulnérable. Des discours empoisonnés. Des consciences brouillées. Une élection à venir sous tension. Tel est le schéma vacillant d’un pays ravagé de l’intérieur par les algorithmes.
Le virus du chaos informationnel se faufile, défile et défie les gardes-fous. Selon Data Cameroon 80% des utilisateurs Facebook doivent faire fasse aux contenus viraux, aux montages, aux rumeurs et aux discours clivants, sans pour autant avoir les outils nécessaires pour ne pas se laisser berner.
Il s’infiltre dans les groupes WhatsApp familiaux, les pages communautaires, les capsules TikTok aux apparences anodines. Et il prospère à mesure que l’échéance électorale approche.
Une élection sous haute tension
Le scrutin présidentiel est fixé au 12 octobre 2025. Mais déjà, les signaux d’alerte s’accumulent :
- Montage de faux documents, vidéos calomnieuses, attaques ethniques
- Pages anonymes dédiées à la haine communautaire : Parle Que Beti, Kerel Kongossa
- Influenceurs et leaders d’opinion instrumentalisés pour polariser le débat

En 2018, la désinformation avait déjà laissé un sillage de tensions et de repli identitaire. En 2025, elle revient plus sophistiquée, plus virale, plus insidieuse, notamment via des contenus générés parintelligence artificielle.
Des âmes lucides en résistance
À l’opposé du chaos, des vigies citoyennes s’organisent. À Yaoundé, les 16 et 17 juillet 2025, le Symposium international sur les droits numériques, la désinformation et les discours de haine a réuni journalistes, juristes, activistes et institutions.

Parmi elles, Salma Amadore, représentante de l’Association des Blogueurs du Cameroun (ABC), est intervenue dans trois panels stratégiques :
- Intégrité électorale à l’ère de l’IA
- Présentation du Guide de désinformation pour les décideurs
- Plan d’action multi-acteurs pour une élection transparente
Des formations, des guides, des coalitions. Des tentatives pour repousser le virus jusqu’à ses derniers retranchements.

Ce qu’il reste à faire
Les recommandations issues des travaux et des experts comme Paul Joel Kamtchang et Ngala Desmond Ngala convergent vers des actions urgentes :
- Former 15 000 jeunes électeurs à l’esprit critique
- Créer une plateforme indépendante de fact-checking
- Impliquer les influenceurs dans une charte éthique
- Renforcer les capacités des journalistes à vérifier les images et les sources
- Éviter les coupures d’Internet, qui coûtent jusqu’à 1,9 % du PIB mensuel selon Access Now
Une hyper-santé de la désillusion
Le pays semble en bonne santé numérique. Mais c’est une hyper-santé de la désillusion. Une illusion de maîtrise, alors que les récits se fragmentent, les vérités se dissolvent, et les urnes deviennent des écrans. Le Cameroun n’a pas besoin d’un silence algorithmique. Il a besoin d’un bruit lucide, d’une parole éclairée, d’un journalisme debout.