À Bamako comme dans plusieurs grandes villes, les convois militaires sillonnent les rues.  Les autorités parlent de « souveraineté retrouvée » et de « sécurisation du territoire », affichant une image de maîtrise. Pourtant, dans de nombreuses localités, le sentiment d’insécurité reste omniprésent.

Ce qui, autrefois, semblait cantonné au Nord du pays s’étend désormais vers le Centre et l’Ouest. La crise sécuritaire gagne du terrain et les groupes armés imposent leur emprise jusque dans les régions de Kayes et Nioro du Sahel, où l’on signale de plus en plus d’embuscades et d’enlèvement. Les routes nationales sont devenues des zones d’incertitude : entre checkpoints improvisés, braquages et attaques isolées, voyager relève désormais du pari.

Le carburant, une nouvelle guerre silencieuse

"...le coût de la sécurisation dépasse parfois celui du carburant lui-même"

Depuis plusieurs jours, à la suite de l’embargo imposé par le groupe JNIM sur les produits pétroliers, le carburant est devenu une ressource rare, presque stratégique. Les files d’attente s’étirent devant les stations-service, les prix s’envolent sur le marché noir et de nombreux transporteurs ont réduit, voire suspendu, leurs trajets.

Dans certaines régions, le litre d’essence dépasse désormais les 3000 francs CFA, bien au-delà du tarif officiel. Les 6 et 7 octobre, des foules immenses se sont formées devant les stations, dans l’espoir d’obtenir quelques litres de carburant.

Cette pénurie persistante fragilise l’ensemble de l’économie nationale. Pour sécuriser les approvisionnements, les autorités ont recours à des escortes armées pour les citernes de carburant et de gaz butane. Mais, comme le souligne un économiste, « cette solution n’est pas viable : le coût de la sécurisation dépasse parfois celui du carburant lui-même ».

Le pays vit ainsi au rythme d’un profond malaise social, nourri par l’incertitude et la hausse généralisée des prix. Si le gouvernement évoque la conjoncture internationale et la fermeture de certains corridors, pour beaucoup de Maliens, le quotidien prend des airs d’asphyxie lente.

L’électricité, un luxe intermittent

À la crise sécuritaire et à la pénurie de carburant s’ajoute désormais une instabilité énergétique sans précédent. Il faut rappeler que l’électricité du Mali repose presque entièrement sur une production thermique, donc directement dépendante des produits pétroliers.

Dans plusieurs quartiers de Bamako, le courant disparaît parfois plus de dix heures d’affilée, plongeant des pans entiers de la ville dans le noir.

Dans la capitale, les habitants ne bénéfiArticle rédigé par Abdoussalam DICKOcient souvent que de six heures d’électricité continue par jour. Les coupures se sont multipliées, frappant aussi bien les ménages que les hôpitaux, les écoles et les petites entreprises. Dans plusieurs quartiers de Bamako, le courant disparaît parfois plus de dix heures d’affilée, plongeant des pans entiers de la ville dans le noir.

Face à cette situation, les habitants s’adaptent comme ils peuvent : certains investissent dans des générateurs privés ou des lampes solaires, d’autres se résignent. Pour beaucoup, la nuit n’est plus synonyme de repos, mais d’attente.

Cette crise énergétique affecte également les médias, les commerces et les services administratifs, paralysant la vie économique et nourrissant un sentiment croissant de chaos et d’impuissance collective.

Les escortes de l’illusion

Dans ce contexte, les convois officiels, les discours triomphants et les annonces de stabilité apparaissent de plus en plus déconnectés du quotidien des Maliens.
 

Les escortes militaires ne rassurent plus : elles rappellent simplement la distance entre le pouvoir et la réalité. Pendant que les autorités célèbrent la souveraineté, les citoyens escortent leur survie, entre rationnement, chaleur et incertitude. La sécurité, le carburant et l’électricité devraient être des services fondamentaux.
 Aujourd’hui, ils sont devenus des symboles d’inégalité : ceux qui peuvent payer s’en sortent, les autres attendent  parfois dans le noir, souvent dans le silence.


 La stabilité promise ressemble à une illusion escortée par des armes et des mots.
 Et pendant que les convois circulent, les Maliens continuent d’espérer, à défaut de croire.